jeudi 29 avril 2021

LECTURE : Quart livre des reconnaissances, de Jacques Réda, LE BON POÈTE

 



Quart livre des reconnaissances, Jacques Réda, Éditions Fata Morgana, 2021



Réjouis-toi, poésie ! 

Jacques Réda publie.


Le Quart livre des reconnaissances est l’un des rares livres, l’un des seuls, en 2021 et au-delà du temps, qui réveillent le lecteur de poésie égaré ou déçu par la production moderne. 


Le Poète, fidèle à sa Muse, a su marier la forme et le fond dès les premières pages, qui s’ouvrent sur les Fragments d’une épopée du mètre avec la suite Le Roland sérieux : 


I

Décasyllabe est le vers féodal 

Du preux qui tient ferme sa Durandal


Entièrement composé de vers de dix syllabes et traitant des origines de la langue littéraire française, ce poème fourmille d’intentions, de trouvailles et de rimes, d’allusions et d’évocations historiques qui en font, outre une parodie tardive de la chanson de geste, une lecture chantante, une coupe légère qui accueille en elle les siècles et les esprits, sans imposer leur poids. Le geste donc, est large, ouvert, bienveillant.


mercredi 28 avril 2021

CRITIQUE LITTÉRAIRE : Deux livres de Pierre Vinclair


Pierre Vinclair (Prise de vers, La rumeur libre éditions, 2019), 

(Sans adresse, Éditions Lurlure, 2018)



CRITIQUE :


Cela est fort vaste, 

me dis-je en moi-même…

This dice is the last

à moins d’un poème…


Pierre Vinclair, Prise de vers,

Sans adresse, et Le coup de dés


Il versa tant dans l’analyse 

que ses pieds étaient dans la mouise.

Que faire d’un texte illisible

censé bichonner l’impossible 

s’il n’est que la déduction 

du possible sans traduction ?


À ses parents, amis, marmaille

il fit des sonnets sans rimaille

longs de cent soixante-huit mètres 

qu’il coupa en dodécamètres 

ciseaux en main, en bon psalmiste 

ou comme en poète modiste.


Cent soixante-huit obélus 

quatorze font douze, pas plus.

Alors la rime est ajournée 

car trimer toute la journée 

sur sa pierre, comme un tailleur…

— Sa vérité était ailleurs !


Modestement, il fut formel :

Oui, le sonnet est éternel 

à condition de le former

de l’informe vers l’informé.


Ce sujet, qui fera l’objet

d’un prochain cours sur le rejet

et le contre-rejet sans rime

en fin de vers, est fort sublime.


Nous y aborderons l’ouvrage

du sonnet, qui, hors de la page

bondit dans la réalité 

et regagne l’éternité 

avec sa complice, la prose.


En attendant l’apothéose 

reprenons nos méditations

et rangeons nos tabulations.


… Pourvu que demain 

je leur fasse un cours

Sur un écrivain

dont j’ai fait le tour…

 

mardi 13 avril 2021

CHRONIQUE : Le Printemps des Peuples




Il y a de quoi s’étonner en lisant page 115 de Levez-vous du tombeau (2019, Éditions Gallimard) la conclusion de Jean-Pierre Siméon : « Les peuples meurent d’avoir perdu la poésie ».

Certes, telle n’est pas vraiment la conclusion, puisqu’il s’agit de l’avant-dernière page de l’ouvrage ; à la page suivante, qui est bien cette fois la dernière, il écrit et rend hommage à Aimé Césaire : « Nous sommes définitivement avec toi / Sous “la pluie des chenilles” / Du côté de l’espérance. »

Ainsi espère-t-il, je le suppose et je l’espère avec lui, en la résurrection des peuples. Et vraiment, je pense la chose possible, sans doute probable et peut-être prochaine, bien qu’il y ait fort à faire — car si j’en crois la Bible, en Palestine il y a pratiquement deux mille ans, un homme nommé Jésus est mort et ressuscité. Or ni son nom ni sa mémoire n’ont cessé de vivre depuis sur terre. Si ce fait est exact, et bien que certaines personnes le tiennent pour une légende, les peuples seraient donc également promis à un avenir mémorable et glorieux ? Dieu, dans son infinie bonté, a ressuscité un homme ; pourquoi refuserait-il de ressusciter les peuples ?