Quart livre des reconnaissances, Jacques Réda, Éditions Fata Morgana, 2021
Réjouis-toi, poésie !
Jacques Réda publie.
Le Quart livre des reconnaissances est l’un des rares livres, l’un des seuls, en 2021 et au-delà du temps, qui réveillent le lecteur de poésie égaré ou déçu par la production moderne.
Le Poète, fidèle à sa Muse, a su marier la forme et le fond dès les premières pages, qui s’ouvrent sur les Fragments d’une épopée du mètre avec la suite Le Roland sérieux :
I
Décasyllabe est le vers féodal
Du preux qui tient ferme sa Durandal
Entièrement composé de vers de dix syllabes et traitant des origines de la langue littéraire française, ce poème fourmille d’intentions, de trouvailles et de rimes, d’allusions et d’évocations historiques qui en font, outre une parodie tardive de la chanson de geste, une lecture chantante, une coupe légère qui accueille en elle les siècles et les esprits, sans imposer leur poids. Le geste donc, est large, ouvert, bienveillant.
Jacques Réda possède avec sa Muse toutes les possibilités du mètre régulier français. Après le décasyllabe, tendu non sans élégance, propice au récit romanesque, presque classique (cf. Quel avenir pour la cavalerie ? Une histoire naturelle du vers français, Jacques Réda, Éditions Buchet-Chastel, 2019) ; l’octosyllabe s’invite, plus lourd, porté par sa puissance satirique et comique ; l’alexandrin apparaît (avec le poème Renaissance), qui chantera l’amour, les époques, qui épousera l’âme des poètes, des amoureux et des épris d’absolu, qui saura conter l’aventure de l’humanité avec amplitude, clarté et force persuasion.
Le travail en vers de Jacques Réda prend l’allure d’un jeu, qui lui permet de fixer des fresques tout aussi sérieusement. Sa mémoire et ses pensées, dont les étendues et les enchaînements sont animés par les vers et les rimes, émergent lentement d’une langue poétique, au fur et à mesure qu’il joue avec (ou dompte) les mètres. Au fil des souvenirs littéraires, poétiques, des lectures, des amitiés et des joies retrouvées dans les poèmes qui s’écrivent là, ses visions se font plus personnelles, plus sombres aussi, plus chargées d’un enjeu qui se dresse devant la langue poétique, tel que le Poète l’incarne pour sa Muse.
Ainsi l’heure approche. Sans gravité. Mais ils vont devoir s’expliquer. Cela s’appelle Musardises et Cornemuses. Si vous les entendez au loin, faites un détour ; et si vous les attendiez, tenez-vous prêts à danser, pas que la valse ou la gavotte. Composée de neuf poèmes, cette section du livre explore la palette du mètre français avec des grâces et des intensités qui disent et redirigent le sens de la poésie française vers un avenir digne de sa grandeur.
VII
L’unique Muse inspiratrice est la mère Énergie.
Tel est le premier vers de la poésie à venir. Dans cette danse première, l’horizon s’étend, la veille se prolonge, l’empreinte du temps marque mieux les figures, les teintes du ciel mordoré s’approfondissent, le rythme s’accentue, le balancier le suit et l’atmosphère s’épaissit.
Point n’est besoin d’un manifeste. Un autre poème suffit.
VIII
Plus de Muses ! Assez d’autorité suprême
Leurrant ceux qui se font gloire de la subir
Et d’autres, asservis sans règles au sabir
De rigueur au marché-aux-puces du poème.
La Muse, à son Poète, alors, dira adieu, dans un dernier poème, ou dans celui d’un autre.
IX
Bientôt je m’en irai vers l’éternel royaume
Et, Muse, je te vois prête à m’accompagner :
Ta valise est remplie, et ce petit panier
Qu’on emportait jadis en wagon. Moi, je chôme.
[…]
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