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vendredi 5 mai 2023

Fable de La Fontaine : Le Lièvre et la Tortue

 La Fontaine


Livre VI, Fable X, Le Lièvre et la Tortue


(Notes et remarques de David Rolland)


Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.

Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.

Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point

Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Êtes-vous sage ?

 Repartit l’animal léger.

Ma commère, il vous faut purger

Avec quatre grains d’ellébore.

– Sage ou non, je parie encore.

Ainsi fut fait : et de tous deux

On mit près du but les enjeux :

Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire,

Ni de quel juge l’on convint.

Notre Lièvre n’avait que quatre pas à faire ;

J’entends de ceux qu’il fait lorsque prêt d’être atteint

Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes (1),

Et leur fait arpenter les landes.

Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,

Pour dormir, et pour écouter

D’où vient le vent, il laisse la Tortue

Aller son train de Sénateur (2).

Elle part, elle s’évertue ;

Elle se hâte avec lenteur.

Lui cependant méprise une telle victoire,

Tient la gageüre (3) à peu de gloire,

Croit qu’il y va de son honneur

De partir tard. Il broute, il se repose,

Il s’amuse à toute autre chose

Qu’à la gageure. À la fin quand il vit

Que l’autre touchait presque au bout de la carrière (4),

Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit

Furent vains : la Tortue arriva la première.

Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?

De quoi vous sert votre vitesse ?

Moi, l’emporter ! et que serait-ce

       Si vous portiez une maison (5) ?


(1) Renvoyer aux Calendes, c’est-à-dire à un temps qui ne viendra jamais. De nos jours, la course aux honneurs connaît des Lièvres qui jurent à des « chiens » de poètes, en mentant, de ne jamais trouver leurs places.


(2) Usage vieilli. De nos jours, on entendrait mieux dire : Aller son train de prosateur.


(3) C’est-à-dire un pari, un défi, que les deux protagonistes relèvent, dans cette fable : arriver le premier. Variante orthographique : gageure. On prononce la lettre u, comme dans juré.


(4) C’est-à-dire au bout du parcours.


(5) La Tortue fait allusion à sa carapace, qui est son abri naturel.


Illustration : Fables de La Fontaine, Paris, A. Capendu, 1912. Source : Institut de France, fonds Erhard https://www.institutdefrance.fr/publications/le-lievre-et-la-tortue/

jeudi 4 mai 2023

“Il m’a traité”





“IL M’A TRAITÉ”


 

   Tous les sanglots vivants du monde iront à l’Univers

     Il m’a traité... Comment est-ce arrivé ? Paix à vos pères


   De France et d’aujourd’hui, il m’a traité de tous les noms,

     en poésie, en prose, en langue franche, en traditions...


   Ta peine est accueillie, ta plainte est reçue, signe-la...

     Il m’a traité... Admets sa chance et tout le tralala,


   sur la foi d’un seul thème, en société, la courtoisie

     Tout métier est sociable, on veut le lire en Poésie


   Il m’a traité... C’est obligé, vous lui parliez en l’air

     Tous les sanglots du monde iront à l’Univers



jeudi 23 février 2023

BINÔME : Présidence perpétuelle de la Poésie française

Prêts, distants, de la poésie.


Mad Pride 2015 © David Rolland, via Paper (53).


Tsiganes de France, 1965


Poème lettriste d’Isidore Isou (1925-2007),
dans un documentaire d’Orson Welles.

vendredi 11 novembre 2022

Le pari France

Georges Izambard, ami et professeur de Rimbaud

Le pari France (via Aden-Marseille)


Arthur 

oracle par nature

voyant dans sa boule de cristal

tant de bons cœurs et tant de mal

régner depuis l’Antiquité

jusque à l’instant cité

faillit briser sa boule

Mais il comprit la foule

Arthur revint vers nous, plus tard

quand de sa poésie il eut fait son nectar

Il espéra longtemps en faire un beau métier 

comme on attend de nous d’aimer la vérité 

Quand il remit son pied malade à terre, un sol

jugé paradisiaque et nôtre par esprit d’un vol

ce fut nouvelle saine et presque sainte

Il faut bien honorer la plainte

Et depuis, on le voit, du Maine au Cap, jusqu’en Asie

Le Pape n’œuvre pas « pour Daesh servi par les nazis » 
 

dimanche 6 novembre 2022

La baston des poètes

        Yves Klein                                                Pierre Soulages




Pour la beauté du geste,

Je commencerai par

Casser la gueule au guest :

Antoine Gallimard.


Puis je rafraîchirai,

du poing, Jean-Pierre Siméon.

Rhabillé et coiffé,

Il schlingue encor sous les néons.


Sur la gueule d’angel

d’un porc : Christian Prigent,

J’imposerai mon sel,

D’un chef intelligent.


Je taperai d’enfer

Laurent Albarracin

En poète primaire

Jamais en assassin


Je battrai Serge Pey

Pour honorer les phrases.

Venger ? L’intention paye !

Quand on n’a que des bases…


Des poètes menus

Viendront prêter main forte

À leurs copains connus,

À leur poésie morte.


Je les vois quand j’apporte un « David »

À ces traîtres rebelles :

Ça lit « Hitler », puis ça lapide

La poésie fidèle.


Alors justice au corps, j’irai aux cimetières 

Pisser sur quelques morts dont le tort fut de vivre,

Et l’horreur fut réelle. Aux pervers en poussières :

Votre merde est reçue et rechiée — pas un livre.


lundi 27 septembre 2021

Pourquoi les fous

Nietzsche, Munch 



Pourquoi les fous sont-ils les vrais originaux ? 
Ceux qu’on appelle « fous » naissent deux ou trois fois
Le commun des mortels renaît aussi parfois
après un long tunnel, mais plus souvent là-haut

Les fous (entendez « fous tel qu’on aimerait l’être »)
Sont nés, comme beaucoup, à la maternité
Quand ils en ont assez, quand ils veulent renaître
ils vont à l’hôpital qu’ils louent à la nuitée 

Mais les fous vont plus loin ; lorsqu’ils rentrent chez eux
leur vie nouvelle est un miracle, ils sont au centre
Les fous, qui en ont vu assez, veulent renaître 

Après tout, c’est leur droit, « À soi-même son maître »
Tout le monde peut l’être, il suffit d’une idée 
ils vont à l’hôpital qu’ils louent à la nuitée 



mercredi 22 septembre 2021

CHRONIQUE : Le Platon des mirlitons

  

 

Si donc un homme en apparence capable, par son habileté, de prendre toutes les formes et de tout imiter, venait dans notre ville pour s'y produire, lui et ses poèmes, nous le saluerions bien bas comme un être sacré, étonnant, agréable ; mais nous lui dirions qu'il n'y a point d'homme comme lui dans notre cité et qu'il ne peut y en avoir ; puis nous l'enverrions dans une autre ville, après avoir versé de la myrrhe sur sa tête et l'avoir couronné de bandelettes. 

(Platon, République, Livre III, 398)





Poésie, où vas-tu ? Poète, que fais-tu ?

La critique la plus éparse et la plus crasse vous requiert.


Toute la profession était convoquée. Le procureur se présente, ébouriffé. Tout le monde embrasse son voisin. Le procureur, ému, déclare à l’assemblée :


Je suis l’humour, d’une charité prodigieuse, 

qui provoque le rire et les aveux de l’hypocrite.

Poète, il est mort le printemps !


J’entends ta langue poétique au devenir philosophique, elle est réglée comme du papier à musique, j’entends. J’entends qu’on dit aussi beaucoup de mal à ton sujet. J’entends grincer les arts désaccordés. Il y a parmi vous force salauds. Exemple : le salaud qui a pris le parti de la rime... C’est un mauvais parti de droite !


J’aperçois maintenant quelque part, dans le fond, sans audace, la nostalgie qui abat tant d’alexandrins, à faire soupirer d’ennui nos plus grands mètres...


Avancez à la barre, grand-mère, doucement...


Je n’y arriverai jamais !


Votre absence n’en sera que plus éloquente.